En
ces temps particuliers, que chacun d’entre nous vit comme les autres
et pourtant de manière singulière, une invitation à s’interroger
sur soi-même pour vivre le présent.
Qu’est
ce que votre situation actuelle vous apporte d’inédit ?
Est-ce bénéfique ou non ?
De
quoi vous prive t-elle ? Est-ce bénéfique ou non ?
Vous
sentez-vous plus ou moins libre ? Par rapport à quoi ?
Quel
rapport avez-vous aux objets techniques ? Quelle place
prennent-ils dans la vie quotidienne ? Remplacent-ils ce dont
vous êtes privés ?
Quelle
relation entretenez-vous avec la Nature ? Quels
sentiments lui sont attachés ?
Comment
vous situez-vous par rapport au reste de la société ?
Cette place vous convient-elle ? Désirez-vous la modifier ?
Quel
rapport au temps vivez-vous ? Est-ce un rapport
renouvelé ? En quoi ?
Imaginez
vos réponses à la sortie de crise, telle que vous l’envisagez
aujourd’hui : en quoi les transformations dans votre
vie personnelle préparent-elles la vie après le confinement ?
Quels changements voulez-vous susciter ? Quels bouleversements
craignez-vous de subir ? Quelles peurs devez-vous affronter ?
Quelles graines avez-vous semé ?
Quelles
ressources intérieures pouvez-vous solliciter ? A quels
soutiens (relations aux autres, aux animaux, aux plantes,
philosophie, arts, religions, psychanalyse, pratiques
méditatives…) entendez-vous recourir en ce sens ?
Pour ouvrir la réflexion, nous vous proposons ces mots de l’écrivain Jack London
N’attendez pas paresseusement que l’inspiration vienne toute seule : courez-lui après en brandissant une massue, et même si elle vous échappe vous finirez par obtenir des résultats qui ressembleront de manière frappante à ceux que l’on obtient lorsque l’on est inspiré.
Travaillez tout le temps : faites connaissance avec la terre, l’univers, la force et la matière ainsi qu’avec l’esprit qui se manifeste à travers la force et la matière, qu’il s’agisse d’un asticot ou d’une divinité. Tout ceci pour dire qu’il faut travailler, se créer une philosophie de l’existence. Peu importe que cette philosophie soit erronée, pourvu qu’on en ait une.
Pour soutenir vos réflexions en ces temps de retraite imposée, Philosphères vous propose des extraits de textes de philosophes. A lire en prenant son temps, voire son dictionnaire !
Baudrillard : « cette altérité absolue, c’est le virus ! »
Jean Baudrillard
Si le Sida, le terrorisme, le krach, les virus électroniques mobilisent toute l’imagination collective, c’est qu’ils sont autre chose que les épisodes d’un monde irrationnel. C’est qu’il y a en eux toute la logique de notre système, dont ils ne sont que l’événement spectaculaire. Tous obéissent au même protocole de virulence et d’irradiation, dont le pouvoir même sur l’imagination est viral : un seul acte terroriste force à reconsidérer tout le politique à la lumière de l’hypothèse terroriste – la seule apparition, même statistiquement faible, du Sida, force à revoir tout le spectre des maladies à la lumière de l’hypothèse immuno-défective – le moindre petit virus qui altère les mémoires du Pentagone ou qui submerge les réseaux de voeux de Noël suffit à déstabiliser potentiellement toutes les données des systèmes d’information.
Tel est le privilège des phénomènes extrêmes, et de la catastrophe en général, entendue comme tournure anomalique des choses. L’ordre secret de la catastrophe, c’est l’affinité de tous ces processus entre eux, et leur homologie avec l’ensemble du système. C’est ça l’ordre dans le désordre : tous les phénomènes extrêmes sont cohérents entre eux, et ils le sont avec l’ensemble. Cela veut dire qu’il est inutile d’en appeler à la rationalité du système contre ses excroissances. L’illusion d’abolir les phénomènes extrêmes est totale. Ceux-ci se feront de plus en plus extrêmes à mesure que nos systèmes se feront plus sophistiqués. Heureusement d’ailleurs, car ils en sont la thérapie de pointe. Dans les systèmes transparents, homéostatiques ou homéofluides, il n’y a plus de stratégie du Bien contre le Mal, il n’y a plus que celle du Mal contre le Mal – la stratégie du pire. Ce n’est même pas une question de choix, nous la voyons se dérouler sous nos yeux, cette virulence homéopathique. Sida, krach, virus informatiques ne sont que la part émergée de la catastrophe, dont les neuf dixièmes s’ensevelissent dans la virtualité. La vraie catastrophe, la catastrophe absolue serait celle de l’omniprésence de tous les réseaux, d’une transparence totale de l’information dont heureusement le virus informatique nous protège. Grâce à lui, nous n’irons pas, en droite ligne, au bout de l’information et de la communication, ce qui serait la mort. Affleurement de cette transparence meurtrière, il lui sert aussi de signal d’alarme. C’est un peu comme l’accélération d’un fluide : elle produit des turbulences et des anomalies qui en stoppent le cours, ou le dispersent. Le chaos sert de limite à ce qui sans cela irait se perdre dans le vide absolu. Ainsi les phénomènes extrêmes servent-ils, dans leur désordre secret, de prophylaxie par le chaos contre une montée aux extrêmes de l’ordre et de la transparence. C’est déjà aujourd’hui d’ailleurs, et malgré eux, le commencement de la fin d’un certain processus de pensée. De même dans le cas de la libération sexuelle : c’est déjà le commencement de la fin d’un certain processus de jouissance. Mais si la promiscuité sexuelle totale se réalisait, ce serait le sexe lui-même qui s’abolirait dans son déchaînement asexué. Ainsi pour les échanges économiques. La spéculation, comme turbulence, rend impossible l’extension totale des échanges réels. En provoquant une circulation instantanée de la valeur, en électrocutant le modèle économique, elle court-circuite aussi la catastrophe que serait la commutation libre de tous les échanges – cette libération totale étant le véritable mouvement catastrophique de la valeur.
Devant le péril d’une apesanteur totale, d’une légèreté insoutenable de l’être, d’une promiscuité universelle, d’une linéarité des processus qui nous entraînerait dans le vide, ces tourbillons soudains que nous appelons catastrophes sont ce qui nous garde de la catastrophe. Ces anomalies, ces excentricités recréent des zones de gravitation et de densité contre la dispersion. On peut imaginer que nos sociétés sécrètent ici leur forme particulière de part maudite, à l’image de ces tribus qui purgeaient leur excédent de population par un suicide océanique – suicide homéopathique de quelques-uns qui préservait l’équilibre homéostatique de l’ensemble.
Ainsi la catastrophe peut-elle se révéler comme une stratégie bien tempérée de l’espèce, ou plutôt nos virus, nos phénomènes extrêmes, bien réels, mais localisés, permettraient de garder intacte l’énergie de la catastrophe virtuelle, qui est le moteur de tous nos processus, en économie comme en politique, en art comme en histoire.
A l’épidémie, à la contagion, à la réaction en chaîne, à la prolifération, nous devons à la fois le pire et le meilleur. Le pire, c’est la métastase dans le cancer, le fanatisme dans la politique, la virulence dans le domaine biologique, la rumeur dans l’information. Mais au fond tout cela est aussi partie du meilleur, car le processus de la réaction en chaîne est un processus immoral, au-delà du bien et du mal, et réversible. Nous accueillons d’ailleurs le pire et le meilleur avec la même fascination.
Jean Baudrillard, La transparence du mal, essai sur les phénomènes extrêmes, Galilée, 1990
Face au réchauffement climatique, à la pollution grandissante et au saccage de la Nature, la philosophie interroge le rapport de l’homme au monde. Après Jacques Ellul, Bernard Charbonneau et Ivan Illich, nous vous proposons d’entrer dans l’œuvre de Thoreau (1817-1862), penseur désobéissant, père de l’écologie américaine naissante et inspirateur des modes d’actions de Gandhi et Martin Luther King.Construire sa cabane pour vivre au cœur de la forêt, désobéir à un gouvernement esclavagiste, rechercher en soi la confiance comme source de l’action vertueuse: Thoreau nous aide à penser le présent, dans une perspective écologiste plus que jamais féconde.
Rencontre à Carle Vernet, le samedi 26 octobre, au sein de la résidence du Treuil (Clairsienne). Une soixantaine d’habitants réunit autour d’un loto gratuit, occasion de commenter les photos du quartier prises par les jeunes (collège Aliénor d’Aquitaine et Centre d’animation Bordeaux Sud), de témoigner à partir de lectures d’extraits de notre livre en cours de rédaction et de se restaurer tous ensemble.
15 h Loto gratuit, première partie
16h Table ronde témoignages des habitants autour du quartier Carle Vernet
« La loi de la conservation de l’énergie indique que nous ne pouvons rien obtenir pour rien, mais nous refusons de le croire. Isaac Asimov »
Mardi 9 octobre, c’est la rentrée pour le café philo de Salleboeuf !
Au menu ce soir au Café y vino : « Connecté ? Déconnecté ? », un sujet qui reprend des termes qui reviennent souvent dans les conversations, au point de supplanter d’autres couples de mots tels que relier/se délier, unir/désunir, attacher/détacher, enchaîner/déchaîner…
Le latin nexus, participe passé de necto porte la double signification d’union, d’enlacement et d’enchainement, d’emprisonnement. La connexion est donc l’action de lier et le résultat de cette action. A quoi nous mène l’action de se connecter ou de se déconnecter ? D’ailleurs qu’est-ce qui est connecté ? N’est-ce pas un abus de langage que de penser des personnes connectées, quand il s’agit d’objets ? Si le terme existe dès le XIVème siècle, c’est bien sûr avec l’omniprésence de la sphère technique que l’expression devient prépondérante. Nous nous connectons à des réseaux techniques qui forment un gigantesque système.
Plusieurs problèmes sont soulevés et débattus :
Si la nature elle-même peut être pensée sur le modèle de la connexion, si nous pouvons imaginer que les arbres sont connectés entre eux, alors comment caractériser les liens entre les vivants ?
Le modèle de la connexion est-il pertinent pour penser l’humain et la société ? Uniformisation, cybernétique, contrôle de l’information sont impliqués dans cette manière de voir qui réduit le vivant dans son ensemble au quantifiable.
Comment penser une résistance incarnée, conviviale, à l’impératif de connexion ?
Le système technicien est-il neutre ou ambivalent ?
La situation de handicap souvent invoquée pour justifier l’acceptation de nouveautés techniques est-elle appropriée pour penser la condition humaine ? Au contraire n’est-elle pas symptomatique d’une vision dévalorisante, sous-tendant la nécessité de recherche d’innovation technique dans tous les domaines de la vie ?
L’emprisonnement, la captation par Internet de nos données, de notre attention, de notre temps remettent-ils en cause notre liberté ? Nos démocraties sont-elles suffisamment solides pour les garantir ?
Comment expliquer l’addiction provoquée par Internet ?
Quelles conséquences les pratiques numériques ont-elles sur les rapports sociaux, médiatisés par les écrans ? A quels réseaux avons-nous vraiment besoin d’être connectés ? Faut-il être connecté à tout ? Que traduit le fantasme d’une déconnexion périodique ?
« Consommation numérique : la pompe à CO2 », La méthode scientifique, émission en ligne sur France culture
A bientôt, en chair et en os, au Café philo de Salleboeuf (33). Prochain rendez-vous le 13 novembre autour de la question : Sommes-nous des citoyens du monde ?